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NMD es-tu là ?


Rédigé par le Jeudi 22 Décembre 2022

Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al Maghrib, a tiré son penalty à hauteur de 0,5 point du taux directeur, et ce le jour même ou l’équipe nationale de football faisait un retour triomphal au Maroc. Même Bono, le gardien de but, ne peut empêcher la balle de se loger dans le filet du financement de l’économie.



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C’est la deuxième hausse du taux directeur décidée, cette année, par la banque centrale, la première ayant eu lieu le 27 septembre. Les deux fois de suite, ledit taux a été augmenté d’un demi-point de base.

L’explication avancée par le patron de l’institut d’émission serait la volonté de juguler la hausse vertigineuse du taux d’inflation, qui devrait se chiffrer à 6,6%, au terme de l’année en cours, d’après la même source.

Jusqu’à présent, personne n’a daigné donner une évaluation aux Marocains, ne serait-ce qu’approximative, de l’impact attendu de ces hausses du taux directeur sur celui de l’inflation.

Il est, donc, question de « croire » en la pertinence des décisions prises en matière de politique monétaire, l’un des fondements de la souveraineté, pas d’y réfléchir et d’en débattre.

Le gouverneur de Bank Al Maghrib, Abdellatif Jouahri, a dû être influencé par le coach de l’équipe nationale de football, Walid Regragui ; « dirou annya » (Ayez la foi) !

Cure d’amaigrissement

Ce qui est, toutefois, évident, c’est que les opérateurs économiques et les particuliers vont devoir louer l’argent plus cher pour financer leurs activités ou acquérir des biens durable et de consommation.

Généralement, quand l’accès au crédit bancaire devient très coûteux, c’est l’ensemble des activités économiques qui est bridé. Le taux de croissance du Pib est ainsi soumis à un régime amaigrissant.

Le but d’une hausse du taux directeur est justement de rendre l’argent plus cher, afin que seuls les opérateurs économiques dégageant des marges d’exploitation supérieures au coût du crédit puissent garder la tête hors de l’eau.

Les entreprises peu rentables, ratatinées par la cherté du loyer de l’argent, sont donc sacrifiées sur l’autel de la stabilité des prix, afin d’apaiser la colère de l’inflation.

Une logique de destruction créatrice à la mode schumpétérienne, économiquement saine, mais qui est, toutefois, sans grand effet sur l’inflation importée. Or, selon les autorités monétaires, une bonne part de l’inflation enregistrée au Maroc plonge ses racines à l’étranger.

Raidissement synchronisé

Comme les raisons qui sous-tendent cette explosion de l’inflation à l’échelle internationale (guerre en Ukraine, tensions géopolitiques, renchérissement du coût de l’énergie, déstabilisation des chaînes d’approvisionnement suite à la politique « zéro covid » appliquée en Chine…) ne semblent pas sur le point de s’évaporer, la situation actuelle est non seulement faite pour durer encore un certain temps, mais peut être aussi s’aggraver.

Face à ce constat des faits, les banques centrales, regroupées au sein de la Banque des règlements internationaux (BRI), ont donc décidé de procéder à un resserrement de leurs politiques monétaires, une démarche « largement synchronisée », d’après le communiqué de Bank Al Maghrib.

Après des années, post-crise 2008, d’assouplissement quantitatif (la planche à billets en termes vulgaires), qui ont fait faire des bêtises aux traders avides d’argent facile sur les marchés financiers, mais aussi dresser leurs cheveux sur les têtes des économistes orthodoxes, voici venu le temps du « raidissement ».

Chétive croissance

Ce déroulement des événements ne s’est pas produit au Maroc, qui n’en subit pas moins les désastreuses conséquences.

Le taux de croissance prévu pour l’année 2022 par la banque centrale serait d’à peine 1,1%, une estimation moindre que celle qu’avait faite le gouvernement, entre 1,5 et 1,7%.

On est bien loin des 7,9% enregistrés l’année écoulée.

Le Maroc est, surtout, mal parti pour mettre en œuvre son nouveau modèle de développement, qui nécessite, pour son financement, un taux de croissance de 6%. Ce n’est donc pas sans raison que l’opinion publique nationale n’en entend même plus parler.

Avec un taux directeur de 2,5%, nul besoin d’engager des fonds, du temps et des efforts pour se rendre compte que le secteur privé, l’un des piliers du nouveau modèle de développement, aura bien de la peine à se financer à un prix abordable pour développer ses activités et assurer, ainsi, sa part dans les 6% du taux de croissance du Pib escomptés.

Quid du NMD ?

D’ici à ce que les situation géopolitique et économique internationales s’améliorent (une perspective qui ne compte pas l’année 2023 dans son agenda), et en raison des profonds bouleversements géoéconomiques qui se produisent actuellement, dont la crise au sein de l’Ue, principal partenaire du royaume, n’est pas le moindre, que vaut encore réellement le nouveau modèle de développement, tel qu’il a été conçu ?

Triste doit se sentir à présent Chakib Benmoussa, qui a présidé aux travaux de la commission spéciale pour le nouveau modèle de développement, en voyant ses efforts réduits presque à néant.

D’abord malade du Covid, le nouveau modèle de développement subit actuellement le feu roulant de l’inflation et les bombardements intenses de la politique monétaire. Il n’y a que les soldats ukrainiens qui en subissent autant.
 
Maintenant que Benmoussa est ministre de l’éducation nationale, il ne va sûrement pas manquer d’inculquer cet enseignement primaire aux élèves : « répétez tous après moi ; on ne peut pas se développer sans avoir « annya » (la foi) alimentée d’argent bon marché » !





Ahmed Naji
Journaliste par passion, donner du relief à l'information est mon chemin de croix. En savoir plus sur cet auteur
Jeudi 22 Décembre 2022

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